Le mémorial d’Henri Emmanuelli inauguré à Laurède

Le mémorial d’Henri Emmanuelli inauguré à Laurède

10-09-2018

Le mémorial d’Henri Emmanuelli inauguré à Laurède

L’inauguration fut l’occasion de rendre hommage à l’homme de caractère et d’action, pétri d’idéal depuis l’enfance mais qui ne tourna jamais le dos au réel. Récit 

Samedi matin à Laurède, sur les coups de onze heures.  La lumière du soleil perce sous les platanes de l’allée menant au cimetière quand retentissent les premières notes d’un orchestre d’harmonie. Elles s’élèvent devant près de 500 personnes. Elus, amis fidèles ou simples anonymes ont répondu à l’invitation de l’association des Amis d’Henri Emmanuelli. Autour de sa femme Antonia, de son fils Antoine et de sa petite-fille Victoire, tous sont réunis pour l’inauguration du mémorial signé du sculpteur Jacques Raoult et de l’architecte Michel Cantal-Dupart.

Le maire, Michel Roussel, prononce le mot d’accueil. Karine Comet et Richard Marsan les deux co-présidents de l’association se partagent les remerciements. L’œuvre mémoriale est dévoilée.
La figure politique la plus emblématique des Landes est immortalisée assise sur un banc, le geste décontracté mais le regard droit, fixé sur l’horizon pyrénéen et les montagnes des Eaux-Bonnes, là où Henri Emmanuelli « Ricou », petit-fils de berger ossalois est né.

« Henri Emmanuelli nous manque »

La représentation est saisissante. Elle convoque les souvenirs.
« Aucun de nous n’a oublié la voix chaude au timbre rocailleux et la longue silhouette laissant dans son sillage une odeur de Gitane, confie Xavier Fortinon, son successeur au Département. Personne n’a oublié non plus la vivacité de l’esprit et l’éloquence du verbe, l’humour parfois ravageur mais aussi la vigueur de l’engagement. Non seulement nous n’avons pas oublié, mais tout cela nous manque. Henri Emmanuelli nous manque. »
Le président du Conseil départemental est le premier à monter à la tribune.
Il rend hommage au précurseur et à la force de conviction d’un homme qui fut injustement taxé par ces adversaires politiques d’archaïque. « Avec lui, la politique ne planait pas dans des brumes abstraites. Elle s’enracinait dans notre sol commun. Pendant trente-cinq ans, il mit toute son inventivité, toute sa force et, quand il le fallait, son habileté  au service des habitants des Landes et de l’aménagement du territoire. »

Et Xavier Fortinon de citer le numérique au collège, la protection de l’enfance, le mieux vieillir à domicile et le Village Landais Alzheimer, qui portera bientôt son nom.

L’ours des Pyrénées et l’homme d’action

La sénatrice Monique Lubin salue son action en faveur des droits des femmes, le président Alain Rousset son goût pour l’innovation et Boris Vallaud, qui lui a succédé comme député de la troisième circonscription, son engagement sans fard en politique. « L’ours des Pyrénées aurait fait bien des victimes dans le parc à moutons auquel ressemble parfois aujourd’hui l’Assemblée Nationale. »

Sur un registre plus intime, le chef triplement étoilé Michel Guérard dépeint par petites touches expressives sa première rencontre avec son ami de longue date. Il raconte l’homme de caractère, « à mi-chemin entre Colbert, Karl Marx et Saint Vincent de Paul », les moments d’amitiés partagés avec Antonia et Christine, l’épouse de Michel Guérard disparue la même année. Il décrit aussi, dans un style flamboyant, l’homme d’action, qui participa à l’essor de la station thermale d’Eugénie-les-bains suivant un pacte « public-privé » scellé simplement dans la confiance de la parole donnée.

 Ce n’est pas ainsi que les hommes vivent 

Et puis viennent les mots du fils.

Si tous ceux qui l’ont précédé à la tribune avaient dit beaucoup de l’homme qu’était son père, Antoine Emmanuelli a dévoilé la part la plus secrète, la part de l’enfance, avec ses blessures et ses colères qui ne se taisent plus.

Henri Emmanuelli a 13 ans. Il a perdu l’insouciance depuis le 5 mars 1958,  depuis ce sinistre mercredi où il voit son père électricien trouver la mort sur le clocher de Louvie-Soubiron.  Un poids nouveau pèse sur ses épaules et sur celle de son frère.

« Ricou » va faire les courses pour sa mère. Un jour, le boucher le toise devant les clients. Il entend : « Toi, tu seras servi quand vous aurez payé vos dettes. ».  Il s’échappe, désespéré, meurtri, ne dira rien à sa mère pour ne pas la couvrir de honte, mais n’oubliera rien de l’humiliation du boucher, ni du silence complice des autres adultes présents ce jour-là.

Cette humiliation, cette colère et cette révolte face à l’injustice, jamais Henri Emmanuelli ne s’en départira. Non, ce n’est pas ainsi que les hommes vivent.

Antoine Emmanuelli raconte.

«  Quelques semaines avant qu’il ne me quitte, alors que nous déjeunions ensemble, nous reparlions de cet épisode…Je savais que le temps nous était compté, je lui ai dit : papa, il faudra bien leur pardonner un jour, pour que tu sois en paix.

Il a regardé longtemps le verre de Bordeaux posé devant lui, il l’a fait tourner lentement entre ses doigts suppliciés, il a levé sur moi un regard qui ne laissait absolument aucun doute sur la sincérité des paroles qu’il allait prononcer, le regard d’un homme qui avait reçu la mission de corriger l’injustice faite à un petit garçon, il y a longtemps.

  • Jamais. Je ne leur pardonnerai jamais. Et il ne faudra jamais leur pardonner. Jamais, tu m’entends ! Parce qu’il y a des millions d’enfants encore à qui l’on fait cette vie-là, et même ici, tout près de nous.

Pour eux, il ne faudra jamais pardonner. »

L.N.       

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